mardi 13 décembre 2011

Cauchemars et confiance

J'ai retrouvé, furtivement, ce plaisir que je n'avais plus ressenti depuis longtemps : cette satisfaction de réaliser qu'il sort de moi par écrit, des choses que je n'avais jamais formulée, des idées que je ne me savais pas avoir même pensées ou théorisées. A l'école, j'ai toujours été bien plus douée à l'écrit qu'à l'oral. C'est comme si l'écrit me permettait d'accoucher de mes pensées, de mes opinions. Je ne sais pas mettre en forme une réflexion, elle se révèle à moi lorsque j'écris. Et j'ai retrouvé ce sentiment précis, un de ceux pour lesquels précisément j'ai cette obsession. C'est doux, rassurant, stimulant. 

Cauchemars en ce moment, avec A. et R. dedans. Le passé est encore bien là, on ne s'en débarrasse pas comme ça. Ni des angoisses qu'il a fabriquées. Je rêve que l'on doit passer du temps ensemble mais qu'elles me font du mal, me blessent. Elles sont folles, mais les gens croient autour que c'est moi qui suis folle. Je n'arrive pas à le leur montrer, ça me met dans une rage mêlée de désespoir. 





dimanche 4 décembre 2011

Sylvia

Après des années d'absence, je me suis réinscrite à la bibliothèque. Essentiellement parce que mes finances ne me permettent pas d'acheter toutes les BD que j'aimerais lire. J'ai donc emprunté en tout premier Polina, de Bastien Vivès, principale raison de mon inscription. Je ne sais pas si c'est le chef d’œuvre que l'on dit, mais c'est un très beau livre et un dessin d'une grande délicatesse, émouvant et riche.
Je lis les lettres de Sylvia Plath à sa mère durant ses années d'études. Ce ne sont pas ses plus beaux textes (ce n'est pas l'idée) mais c'est intéressant. Il y a quelque chose d'à la fois fort et triste dans la relation fusionnelle qu'elle entretient avec sa mère. Bien sûr, la publication est passée par le filtre de celle-ci, qui en a fait une sélection, mais au fil du temps, on sent SP glisser d'une totale transparence les premières années à un maquillage plus sombre et plus épais. On suppose la distance qu'elle prend doucement d'avec sa mère, malgré la fusion.
Cet te fille me fascine et m'impressionne beaucoup. Nous n'avons pas vécu à la même époque, pas la même vie, pas la même personnalité (SP éait plutôt exubérante) mais je me sens proche de beaucoup de choses qu'elle exprime. J'ai cette idée d'écrire un livre sur elle, une biographie subjective, sélective, mais elle m'intimide : ai-je vraiment le droit de parler d'elle sans l'avoir connue ? de m'approprier son existence ? ses textes ?

Boulimie

J'ai découvert une nouvelle série : 30 rock. Et comme toujours lorsque c'est le cas et que je passe quelques jours seule à la maison, j'en fais une boulimie. Mais c'est une boulimie douce, qui comble la solitude sans trop de dégâts. 
Je suis sans cesse jalouse de la vie des autres, des amis de Pit, de ses rencontres, de ses échanges. Et hantée par la peur de ne pas être aux bons endroits. Je suis paniquée par l'idée qu'il se passe des choses là où je ne suis pas, lorsque je ne suis pas là. Que les gens se rencontrent, échangent, vivent, là où je ne suis pas. Je voudrais être de toutes les fêtes, de toutes les rencontres (même si je suis souvent déçue), pour ne pas rater ce qui pourrait se passer, pour ne pas qu'on m'oublie. Évidemment, quand je suis là il ne se passe rien. J'aimante le vide. Je ne peux m'ôter de la tête l'idée qu'on ne pense pas à moi, qu'on complote même, la peur qu'on m'évite, qu'on ne m'aime pas. J'ai le sentiment de ne rien avoir à apporter aux autres, d'être insignifiante, inintéressante. 
Je passe mon temps à lutter contre ces idées, mais avoir la preuve tous les dix ans que tout cela peut être vrai, qu'on peut comploter, qu'on peut décider en chœur de ne plus m'aimer, suffit à me terrifier jusqu'à la prochaine fois.

samedi 26 novembre 2011

La psychanalyse est un animal de compagnie

Depuis quelques mois, la psychanalyse est devenue mon chaton. J'y penses souvent, j'en prends soin, elle est là, toujours dans un coin à miauler doucement, à me rappeler qu'elle existe, qu'il faut la nourrir, la caresser et la câliner. Elle est fragile et pas toujours très autonome mais elle est aussi sauvage et quelque fois indifférente. En tous cas, elle es tout le temps là dans un coin de la pièce, dormante ou agitée.


Un coucher de soleil au-dessus des nuages.

mercredi 16 novembre 2011

Solitude


Pit et moi sommes partis pour une semaine en Allemagne, à l'Akademie Schloss Solitude où il est invité. Cela me fait un drôle d'effet d'être entourée de (jeunes) artistes. Des gens de mon âge, qui passent leur journée à créer des musiques avec des bruits d'ordinateur, à dessiner, peindre, filmer, écrire... avec une apparente facilité qui me déconcerte. C'est à la fois motivant et effrayant, fertile et inhibant. J'ai l'impression qu'ils n'ont aucune difficulté à se définir "artiste" (moi j'ai déjà bien du mal à me dire journaliste), à agir comme des artistes, à penser comme des artistes. A se sentir légitimes dans ce rôle. Je les envie.

J'avais une mission toute fraîche. Cela signifiant une nouvelle agence, un nouveau sujet sur lequel travailler, une bonne dose de travail pour ces prochaine jours et aussi un peu d'argent. J'étais enthousiasmée par la nouveauté plus que le travail en lui-même. Et puis finalement, ça ne s'est pas fait, je ne correspondais pas. Je n'ai pas su cerner leurs attentes. Je n'avais pas vu cette éventualité arriver, j'ai été présomptueuse. 
C'est un petit coup à l'ego et aussi au compte bancaire bien sûr. Mais dans le fond, c'est aussi un soulagement. Je suis tout à coup plus libre de faire ce que je veux de cette semaine. Plus libre et donc plus angoissée. 
J'écris et je dessine peu ces dernier temps, mais il me semble que quelque chose se résout doucement en moi. La psychanalyse et mes lectures m'aident. Une urgence se dessine, j'essaie de créer l'évidence, de me débarrasser de tout ce qui me bloque, de tous les renoncements que j'emporte avec moi depuis des années.

La nuit tombe vite ici et l'air est glacial (ça change de la douceur de Nantes), mais tout me semble beau et idyllique.


vendredi 11 novembre 2011

L'Ange du foyer





"Celle qui deviendra schizophrène est déjà double, comme le sont jusqu'à un certain point toutes les filles jeunes et jolies : une tête qui pense, un corps qui éblouit. Une tête qui doit penser au corps comme à une chose qui lui est extérieure, étrangère. Une Zelda [Fitzgerald] qui doit surveiller l'autre : pour plaire."

"Il faut lire et relire sa célèbre description de l''"Ange du foyer", cette femme idéale ("excessivement sympathique", "absolument charmante" et "parfaitement altruiste"), ce modèle d'abnégation féminine, ce parangon de pureté qui, lorsque Virginia s'est mise à écrire, a fait mine de guide sa plume :

Je me suis jetée sur elle et l'ai prise à la gorge. J'ai fait de mon mieux pour la tuer. Mon excuse, si je devais comparaître devant un tribunal, serait d'avoir agi en état de légitime défense. SI je ne l'avais pas tuée, et m'aurait tuée. Elle aurait crevé le cœur de ce que j'écrivais.

L'"Ange du foyer" ressemble à s'y méprendre à la propre mère de Virginia Woolf : philanthrope, belle, énergique et généreuse, mère dévouée d'un famille nombreuse, l'image même de la "bonne" féminité à l'époque victorielle en Angleterre/ Or, une femme qui "tue" symboliquement sa mère, à travers l'acte d'écriture ou autrement, se "tue toujours elle-même aussi. Sylvia Plath a fini par le comprendre, et par décrire ses tentatives de suicide comme "une pulsion meurtrière transférée de ma mère sur moi-même". Elle dit aussi : "Ça me fait un bien fou d'exprimer mon hostilité à l'égard de ma mère ; ça me libère de l'oiseau-panique sur mon cœur et sur ma machine à écrire". 

"Les femmes, même lorsqu'elles désirent ardemment devenir des auteurs, sont moins convaincues de leur droit et de leur capacité à le faire. Pour la bonne raison que, dans toutes les histoires qui racontent la création, elles se trouvent non pas du côté de l'auctor (auteur, autorité), mais du côté de la mater (mère, matière)."

Dans Journal de la Création que m'a offert Pit il y a quelques temps, Nancy Huston parle des rapports entre la féminité et l'écriture, invoquant Zelda Fitzgerald, Sylvia Plath, Virginia Woolf, Simone de Beauvoir. C'est absolument passionnant. 

En ce moment, je tue symboliquement ma mère.

jeudi 3 novembre 2011

L'héritage familial

Cela fait maintenant 10 ans que je m'efforce de m'éloigner de ma famille, consciente d'une incompatibilité qui ne peut être résolue autrement. Je constante aujourd'hui que même si j'ai cru à certains moment en être détachée, elle me poursuit littéralement. Même à 800 km, elle est là, son spectre rode au-dessus de moi, me recouvre de son ombre menaçante. 
C'est un constat terrible de comprendre qu'on ne peut pas mettre paisiblement sa famille à distance, sans douleur et sans rupture ; juste en mentant un peu et en vivant dans son coin. Cela ne suffit pas. Parce qu'en réalité, ce qui nous pèse et que l'on fuit est à l'intérieur de nous-même. Dans leurs yeux et leurs bouches il y a l'incompréhension, le regard désapprobateur, et c'est douloureux, ça m'affecte à chaque fois. Mais dans mes yeux aussi, il y a du jugement, le leur, que j'ai soigneusement intériorisé pendant ces dix-huit années de vie commune. Et contre qui toutes mes constructions intellectuelles, tous les kilomètres entre nous, ne peuvent rien.